La Ministre du Tourisme, de l’Artisanat, de l’Economie sociale et solidaire ne cache pas sa fierté de ce qui a été réalisé dans ce domaine au cours des 30 premiers mois du gouvernement Akhanous. Fatim-Zahra Ammor a même parlé d’un «records absolus» en termes de touristes et de recettes en devises.
Mais la ministre du RNI ne compte pas s’arrêter là et affiche déjà des objectifs encore plus ambitieux pour la suite de son mandat à la tête du ministère de la stratégie économique du Maroc.
Attirer 1 million de nouveaux touristes par an d’ici 2026, continuer d’accompagner les professionnels, développer les produits touristiques et de divertissement, diversifier les produits d’hébergement à travers des réformes réglementaires, renforcer les services aériens, signer de nouvelles feuilles de route des contrats régionaux de mise en œuvre…
Le Ministère semble déterminé à mettre en œuvre de nombreux projets, dans le but de proposer une offre à la hauteur du potentiel du Royaume du Maroc, de sa culture et de son histoire, ainsi que des grands événements sportifs à venir, notamment la CAN 2025 et la CAN 2030.
ENTRETIEN
Le Matin : Le bilan de mi-mandat est l’occasion de mener un travail d’introspection et d’évaluation de la politique touristique. Quelle est votre évaluation globale de ce qui a été fait, mais aussi de la situation du tourisme national ? Dans quelle mesure les actions mises en place ont-elles contribué à la reprise du secteur ?
Fatim-Zahra Ammor : Nous sommes fiers des avancées du tourisme au Maroc au cours des 30 derniers mois sous le Leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste. En 2023, nous avons accueilli 14,5 millions de touristes et généré 105 milliards de dirhams de recettes en devises, des records absolus. Cette dynamique se poursuit avec 4,6 millions de touristes au cours des quatre premiers mois de cette année, soit près de 600.000 de plus, comparées aux arrivées à la même période de 2023, ce qui nous rend confiants quant à l’atteinte des objectifs d’ici la fin d’année.
Ces chiffres résultent de mesures gouvernementales volontaristes, renforcées par une forte synergie public-privé, visant à relancer et transformer le secteur après la crise de Covid. Je rappelle que trois mois seulement après la nomination de ce gouvernement, nous avons lancé un plan d’urgence de 2 milliards de dirhams pour soutenir les professionnels et préserver les emplois, avec la mise à niveau de près de 800 établissements d’hébergement. Nous avons également mis en place un plan de relance axé sur la promotion et le renforcement des liaisons aériennes. En parallèle, nous avons travaillé sur la nouvelle feuille de route 2023-2026, dotée d’un financement de 6,1 milliards de dirhams, couvrant l’offre touristique, l’aérien, la promotion, les investissements hôteliers, l’animation touristique et le capital humain, et dont nous commençons à constater les résultats.
Le renforcement de l’offre touristique fait partie des objectifs fixés dans le cadre de la nouvelle feuille de route du secteur. Quelles sont les réalisations accomplies dans ce volet et qu’est-ce qui reste à faire ?
Nous accordons effectivement une importance capitale à l’offre, que nous avons choisie de recentrer autour de l’expérience client. Comme précisé, notre mobilisation pour l’offre a démarré dès le plan d’urgence, avec 1 milliard de dirhams alloués à la mise à niveau des hôtels après une fermeture de 2 ans. Par ailleurs, la feuille de route du secteur vise une expérience unique à travers la restructuration de l’offre Maroc autour de 9 filières thématiques et 5 filières transverses, valorisant chaque région selon ses potentialités. En termes d’hébergement, nous stimulons l’investissement dans des capacités hôtelières de qualité, avec l’ouverture en 2023 de 135 nouvelles unités hôtelières, dont des marques mondiales renommées comme St. Regis, Marriott, Radisson, Hilton et Nobu. Nous travaillons également sur la diversification de l’offre d’hébergement par la réforme réglementaire, incluant l’accélération par notre gouvernement de la publication des textes d’application de la loi n°80-14 qui permettra d’intégrer d’autres formes d’hébergement, telles que les bivouacs, les campings ou l’hébergement chez l’habitant par exemple.
Pour développer l’offre d’animation touristique, nous avons lancé le programme très ambitieux «Go Siyaha», doté de 720 millions de dirhams pour soutenir 1.700 entreprises touristiques à l’horizon 2026. La feuille de route propose également 14 projets locomotives d’envergure comme la Station verte de l’Oukaïmeden, un parc d’attraction familial à Casablanca, un parc à thème à Marrakech, ou encore un palais des congrès et un parc d’exposition à Marrakech. Aussi, des partenariats pour des projets écotouristiques et des négociations pour des initiatives comme l’Institut du monde méditerranéen à Tanger sont en cours.
Au niveau régional, nous sommes en train de signer des contrats d’applications régionaux de la feuille de route. À date, 5 contrats ont été signés et les autres sont en phases finales de discussion avec les partenaires. Chaque contrat d’application dispose d’un plan d’action pragmatique avec des projets importants qui couvrent l’aérien et la promotion et le développement d’infrastructures touristiques qui permettront de développer le tourisme dans les différentes régions.
Vous avez affiché l’ambition d’attirer un million de touristes additionnels chaque année. Est-ce que vous maintenez toujours cet objectif ? Et qu’est-ce qui vous permet d’être confiante quant à sa réalisation ?
Aujourd’hui, nous avons un objectif clair : atteindre 17,5 millions de touristes d’ici 2026, soit une augmentation moyenne d’un million de touristes par an. Nous maintenons fermement cet objectif, confiants d’abord grâce à la notoriété et au rayonnement de notre pays sous la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste. Pour y parvenir, nous travaillons sur tous les chantiers de la feuille de route : renforcement des liaisons aériennes, campagnes de promotion et marketing ciblant de nouveaux marchés, développement de l’offre touristique, investissement dans la capacité d’hébergement et l’animation touristique. Nous mettons également un accent particulier sur la formation pour augmenter la qualité du service. Pour la mise en œuvre de ces chantiers, nous nous réjouissons de notre synergie avec les professionnels du secteur privé, qui permet un dialogue régulier et une collaboration efficace pour atteindre nos objectifs communs.
Votre département travaille activement sur la densification des liaisons aériennes dans le cadre de son plan de redynamisation du tourisme national. Où en êtes-vous aujourd’hui dans ce plan ? Quelles sont les nouveautés ?
Notre objectif est d’assurer la disponibilité de la capacité aérienne vers toutes les destinations touristiques du Maroc, garantissant ainsi une connectivité étendue. En 2023, nous avons sécurisé 8 millions de sièges point à point, soit une croissance de 22% par rapport à 2022. Nous avons également signé un partenariat historique avec Ryanair, lançant 11 lignes internes et 24 lignes internationales. À l’horizon 2027, Ryanair prévoit d’atteindre 10 millions de sièges, soit 2 fois plus qu’en 2024. D’autres opérateurs, tels qu’EasyJet, Play Airlines, SAS et Norwegian, sont en train de suivre cette dynamique en lançant de nouvelles liaisons depuis plusieurs villes scandinaves. Nos compagnies nationales jouent aussi un rôle très important. Nous venons d’assister à l’ouverture de la nouvelle base de Rabat d’Air Arabia qui va permettre d’accompagner le développement touristique de Rabat. Royal Air Maroc travaille aussi sur une stratégie pour relancer et développer des lignes vers des marchés importants. Notre ambition commune est d’augmenter le maillage territorial grâce à la multiplication des liaisons directes, qu’elles soient internes ou externes. Cela permettra aux touristes marocains de voyager plus facilement à l’intérieur du Maroc, et aux touristes étrangers de prolonger leur séjour.
Toujours au sujet des liaisons aériennes, certaines critiques pointent les inconvénients des compagnies low-cost, principalement leur propension à attirer un type de touristes qui ne contribue que faiblement aux recettes de voyages. Qu’en dites-vous ?
Aujourd’hui, dans notre objectif des 17,5 millions de touristes, nous ciblons différentes catégories de visiteurs issus de différents marchés émetteurs. Ces compagnies jouent un rôle crucial aujourd’hui par leur accessibilité, mais également par les connectivités qu’elles offrent au Maroc. Et depuis l’open sky, ces compagnies jouent un rôle important dans la démocratisation du voyage et la stimulation de l’activité touristique. Personnellement, je crois au contraire que lorsqu’on paye un vol à bon prix, on dépense plus une fois arrivé à destination, autrement dit, dans l’économie locale.
Autre préoccupation : les plateformes de réservation, particulièrement Airbnb, qui posent toujours un problème (non-déclaration des revenus, transactions à l’étranger, nuitées non comptabilisées…).
Que faites-vous pour assainir la situation ?
Aujourd’hui, notre principal chantier est la réglementation, la diversification de l’offre et l’amélioration de la qualité. Notre gouvernement a accéléré la publication des décrets d’application de la loi 80.14 après plusieurs années d’attente. Cette réforme, bientôt opérationnalisée par les arrêtés d’application, permettra d’élargir et de diversifier l’offre touristique nationale. Elle intégrera d’autres formes d’hébergement, telles que l’hébergement alternatif et chez l’habitant, tout en régulant les activités touristiques, y compris celles commercialisées par des plateformes en ligne comme Airbnb.
De plus, cette réforme améliorera significativement la qualité des infrastructures et des services grâce à des cahiers des charges spécifiques par type d’hébergement, dont les normes ont été établies en partenariat avec l’ONU Tourisme, complétées par des visites mystères pour évaluer la qualité des services proposés. Enfin, une nouvelle classification en étoiles (d’une à cinq étoiles, ainsi que luxe) remplacera les classements en catégories, ce qui rendra l’offre marocaine plus lisible pour les touristes, qu’ils soient marocains ou étrangers.
Dans un autre registre, quel bilan faites-vous des différents types d’accompagnement offerts aux opérateurs du secteur ?
Avant toute chose, je voudrais profiter de cette question pour remercier les opérateurs du secteur du tourisme avec lesquels nous avons une très forte synergie. Pour nous, il était important que la Confédération nationale du tourisme (CNT) et les Fédérations métiers du secteur soient étroitement impliquées dans la réflexion et la mise en œuvre de l’ensemble des chantiers importants du secteur. Pour répondre à votre question, le bilan du chantier d’accompagnement des opérateurs est très positif. Depuis la nomination de ce gouvernement, nous avons lancé une multitude de mécanismes d’appui aux professionnels du secteur du tourisme. D’abord le plan d’urgence, doté d’une enveloppe de 2 milliards de dirhams, qui a été une mesure sans précédent et qui les a soutenus pendant la période très difficile de la pandémie et leur a permis d’améliorer la qualité des infrastructures hôtelières, ce qui a favorisé une reprise stable et rapide.
Aussi, dans le domaine du soutien à l’investissement, le gouvernement a mis en place une nouvelle Charte de l’investissement très compétitive, ainsi que le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, qui comporte 2 sous-fonds sectoriels dédiés au tourisme. Plusieurs autres initiatives sont également en cours de déploiement, dont le programme national «Go Siyaha» qui comprend les volets assistance technique et investissement dans le développement durable, deux volets exclusivement dédiés aux opérateurs existants du secteur. Aussi, des programmes d’appui aux TPME à travers des Sociétés de développement régionales (SDR) sont en cours de déploiement au niveau des régions. Nous sommes également en train de lancer des incubateurs dans 3 thématiques clés : le digital/Travel Tech, la gastronomie et l’animation, et ce dans le but de disposer d’entreprises innovantes dans ces thématiques stratégiques pour le tourisme marocain.
Qu’en est-il du développement des ressources humaines du secteur ?
La formation et le renforcement du capital humain sont des leviers stratégiques essentiels de la feuille de route. Comme vous le savez, nous avons lancé un programme très important de renforcement du capital humain, en étroite collaboration avec l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et les professionnels du secteur. Il vise à améliorer significativement la qualité des services, tout en adaptant la formation touristique aux besoins concrets du marché de travail.
Parmi ces programmes figurent le Programme CAP Excellence, qui prévoit la création de 12 instituts spécialisés d’ici 2026, le Programme de formation des Middle Managers, ciblant 9.500 lauréats d’ici 2026, et le Programme de formation continue d’excellence, offrant une formation flexible en ligne pour 8.000 bénéficiaires.
En outre, le nouveau Programme de validation des acquis de l’expérience (VAE), développé avec la CNT, offre une opportunité inestimable aux salariés du secteur ayant acquis un savoir-faire sur le terrain. Il ambitionne d’accompagner 7.550 bénéficiaires à horizon 2026 et permettra aux praticiens du tourisme de transformer leur expérience professionnelle en certifications et diplômes officiellement reconnus. Enfin, nous accordons une attention particulière aux établissements de formation sous notre tutelle, qui bénéficieront d’une montée en puissance d’ici 2026. Toutes ces initiatives visent à créer des opportunités d’emploi durable et à rehausser le niveau de la formation touristique pour répondre aux attentes des touristes marocains et étrangers.
Vous êtes aussi aux commandes du secteur de l’artisanat, un secteur qui fait face à des défis importants. Puisqu’on parle aujourd’hui de réalisations, quel est le bilan de la stratégie du ministère portant sur la modernisation et la structuration des filière artisanales ?
Nous enregistrons un bilan très positif dans l’artisanat. Comme vous le savez, ce secteur est doublement important pour notre pays, à la fois pour son poids dans le patrimoine du Maroc et pour son rôle dans l’emploi, avec 2,4 millions de personnes y travaillant. Cependant, il reste malheureusement dominé par l’informel, ce qui freine son développement. Pour remédier à cela, nous avons travaillé sur trois priorités durant les 30 derniers mois : structurer le secteur, renforcer la compétitivité des artisans et préserver les métiers. Pour la structuration du secteur, nous avons mis en œuvre la loi 50-17, permettant de mettre en place le Registre national de l’artisanat, avec environ 400.000 artisans inscrits, bénéficiant officiellement du statut d’artisan et éligibles aux aides de l’État ainsi qu’à la CNSS. Aujourd’hui et conformément au Chantier Royal de la généralisation de l’AMO, plus de 640.000 artisans sont inscrits à la CNSS.
Pour renforcer la compétitivité des artisans, nous avons initié quatre programmes visant la création de centres d’excellence, l’appui à l’exportation, l’agrégation pour permettre aux artisans individuels de produire et vendre en grandes quantités, et enfin la digitalisation pour être dans les radars des acheteurs. Enfin, pour préserver les métiers en voie de disparition, nous collaborons avec l’Unesco sur le programme «Trésors des arts traditionnels marocains», qui vise à protéger 32 métiers d’ici 2026 en les transmettant à 320 jeunes apprentis par des maîtres artisans exceptionnels.
Pour terminer, sur quoi comptez-vous concentrer les efforts pour le reste de votre mandat ?
Aujourd’hui, nous avons des visions claires pour les trois secteurs que j’ai l’honneur de piloter. Pour le reste de notre mandat, nous concentrerons nos efforts sur le déploiement de tous les chantiers lancés. Pour le tourisme, nous mettrons en œuvre la feuille de route au niveau régional et les programmes nationaux tels que «Go Siyaha», les incubateurs d’accompagnement et le programme de renforcement du capital humain, afin de créer, d’une part, une nouvelle génération d’activités d’animation et disposer, d’autre part, de talents hautement qualifiés qui s’intègreront facilement sur le marché du travail et contribueront à l’amélioration de la qualité. Une autre priorité est l’augmentation et l’amélioration de la capacité hôtelière pour atteindre les objectifs de notre vision, tout en étant prêts pour les événements sportifs à venir comme la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030. Pour l’artisanat, nous continuerons de placer l’artisan au cœur de nos actions, en améliorant ses conditions de travail et sa compétitivité. Nous visons à développer davantage l’artisanat marocain tout en préservant son authenticité, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste. Enfin, concernant l’économie sociale et solidaire, nous entrerons dans une nouvelle ère avec le lancement de la nouvelle loi-cadre, qui devrait permettre au secteur de contribuer à hauteur de 8% du PIB à horizon 2035 et créer 50.000 emplois par an.
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