MARRAKECH, CITE-JARDIN, CREUSET DE CREATIVITE ET DE ‘‘SUCCESS STORIES’’ INSPIRANTES admin 5 juillet 2023

MARRAKECH, CITE-JARDIN, CREUSET DE CREATIVITE ET DE ‘‘SUCCESS STORIES’’ INSPIRANTES

L’histoire de Marrakech ou la « cité-jardin » est intiment liée à l’histoire de ses jardins nourriciers, profanes et protecteurs. En fait, avant d’être une ville, Marrakech était le nom d’un jardin continu, ouvert et partagé, sur 16 000 hectares, au pied des montagnes de l’Atlas, où poussaient des palmiers, oliviers, orangers, amandiers, herbe verte pour les troupeaux et des fruits et des légumes pour nourrir toute une région et même au-delà, pour tous ceux qui s’arrêtaient sur la route commerciale transsaharienne.

Marrakech hérite ce patrimoine qui n’a cessé d’évoluer pour des usages ancestraux et renouvelés avec l’ouverture de Marrakech sur de nouvelles cultures et influences. Des habitants qui élisent domicile, comme cela a toujours été le cas dans cette ville, et finissent par être habilité par le génie et le sens de lieu. L’art du jardin à Marrakech demeure en effet un creuset qui garde encore plein de secrets.

Marrakech, fondée en 1070 par les Almoravides, capitale de plusieurs dynasties, a su faire coexister vertueusement des influences plurielles et des traditions ancrées dans une stratification civilisationnelle amazighes, andalouse et d’Afrique sub-saharienne. Ce passé glorieux trouve une résonance parfaite dans la diversité florale, le paysage naturel et architectural et de gestion par des «khattarates», des « seguiyates » pour irriguer les jardins intra-muros et de la palmeraie.

A juste titre, la terminologie du mot « Ryad », bien que communément admise comme maison à quatre parterres, signifie littéralement « Jardin ». Cette richesse se voit également dans la diversité sémantique associé à l’art des jardins : Oasis, Fontaines, Jardins, Palmeraie, Jnan, Riad, Arssa, Jnan, Souks, Dar, Kasbah, Fondouks…

Marrakech dispose en effet de vastes espaces verts publics (EVP). Selon un travail d’investigation doctoral d’Abdelouahed El Faiz (2016) sur la biodiversité des espaces verts publics de la commune urbaine de Marrakech en 2016, la superficie totale des espaces verts et jardins, à l’exclusion de la palmeraie (10.000 Ha), est de l’ordre de 760,88 Ha répartis en cinq arrondissements à savoir : Guéliz, Syba, Ménara, Annakhil, et Médina. Le tableau ci-après présente la répartition des espaces verts publics à Marrakech.

ArrondissementsSuperficie des espaces verts publics en Ha
Guéliz160,9
Syba421,5
Ménara131,1
Annakhil1,5
Médina45,88
Total760,88

Toutefois, le secteur public des jardins à Marrakech présente le cas d’un potentiel mal exploité et d’un terrible manque à gagner par rapport aux promesses du secteur privé et en référence à des destinations culturelles moins riches que Marrakech. Les EVP à Marrakech méritent d’être intégrés dans un écosystème de création de valeur et d’employabilité par la mise en place d’initiatives fondamentales de médiation, d’animation, de thématisation et de mise en circuit, digitale et physique. Alternativement, il faudrait oser et user du storytelling percutant et identitaire, à l’image de ce que font certains opérateurs privés à Marrakech.

Marrakech se distingue par une concentration endémique de projets créatifs visant à valoriser ses espaces jardinés, notamment par des amateurs d’art, des créateurs et des connaisseurs des spécificités botaniques, culturelles et paysagères. La meilleure illustration reste le célèbre jardin Majorelle, fondé en 1931 par l’artiste orientaliste français Jacques Majorelle et repris par d’autres artistes, Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé. Ces deux figures de la scène culturelle et économique de l’hexagone, tombées sous le charme de la ville ocre, ont su transformer ce lieu, de surface relativement restreinte couvrant 8 000 mètres carrés, en une masse culturelle et créative de la ville ocre.

Le Grand Majorelle, propriété de la Fondation Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, est composé par le Jardin Majorelle, le Musée Yves Saint Laurent et le Musée Pierre Bergé des Arts Berbères.

Le jardin Majorelle a reçu plusieurs distinctions et classements à travers le monde. En 2011, le jardin est, entre autres, labellisé «Maison des Illustres». Élu par les internautes voyageurs sur TripAdvisor comme un havre de paix et de bonheur selon une enquête sur le nombre de fois où le terme « Happy » est apparu dans les commentaires postés par les touristes, devant les jardins du Luxembourg, en France, classé troisième, suivis du Bellagio Conservatory & Botanical Garden (États-Unis), des Butchart Gardens (Canada), du Kings Park and Botanic Garden (Australie) et des Tivoli Gardens (Danemark).

Toutefois, l’une des distinctions les plus valeureuses reste sa contribution sociale. Le Grand Majorelle emploie aujourd’hui 200 personnes, entre botanistes, paysagistes, et médiateurs culturels.

Marrakech abrite d’autres exemples inspirants de projets à haute valeur patrimoniale culturelle, comme le «Jardin secret» dans le quartier Mouassine de la médina. Un Riad datant du 16ème siècle, abandonné et en ruines, a ouvert en 2016, après de longues et compliquées opérations de restauration de plusieurs années, avec l’aide d’archéologues, d’architectes et de paysagistes sans altérer ses caractéristiques patrimoniales.

Le «Secret Garden» est l’un des plus grands et des plus anciens riads de la médina de Marrakech, couvrant une superficie de 4 000 mètres carrés avec une tour de 17 mètres et deux jardins, le premier respectant les spécificités du jardin islamique, le second étant un jardin exotique, il rassemble des plantes des 5 continents. La récente restauration du jardin secret s’inscrit dans la grande tradition des palais arabo-andalous et marocains : les visiteurs peuvent découvrir les jardins et les bâtiments qui composent le jardin secret, qui sont autant de témoignages exceptionnels de l’art des jardins, de l’architecture arabo-andalouse et marocaine et de l’hydraulique arabe.

L’essor du secteur des jardins privés depuis les années 2000 a intéressé l’émergence d’un modèle de jardins créatifs. C’est le cas du jardin rouge situé sur la route de Fès, dans un cadre planté d’oliviers centenaires, avec une vue imprenable sur les montagnes de l’Atlas. Le Jardin Rouge, lancé par la Fondation Montresso en 2009, s’étend sur 13 hectares dans un style ethno-brutaliste. Il représente une oasis pour les artistes du monde entier et propose des présentations de projets de résidence artistique dans lesquels différents créateurs d’art peuvent bénéficier de temps de recherche et de visibilité publique.

Le Jardin Rouge dispose de 6 studios, salons, bibliothèques, espaces de travail collaboratif et accueille près de 30 artistes plasticiens par saison culturelle. Après une sélection par le comité artistique de la fondation, les artistes sont invités à rester en résidence, puis sont soutenus et accompagnés de manière pérenne par la fondation.

Marrakech est un puits intarissable d’histoires de jardins créatifs.

Le cas du jardin Anima de plus de 2 ha sur la route de l’Ourika ouvert en 2016 par Andre Heller et Gregor Weiss, face aux montagnes de l’Atlas avec des sculptures originales et sa flore odorante variée. Le jardin est une attraction culturelle qui réunit des célébrités du monde de l’art contemporain de différents horizons. Le jardin possède une exposition permanente consacrée au peintre mystique Hanz-Werner Geerdts, et des expositions temporaires sont également programmées chaque trimestre.

Le jardin Anima est le seul jardin marocain à figurer dans le livre «150 gardens you need to visit before you die» de l’écrivain américain de renommée internationale Stefanie Waldek.

  • Abdellah SAOUALIH, doctorant, Université Cadi Ayyad ;
  • Larbi SAFAA, Professeur, Université Cadi Ayyad.
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