CAROLINE COURET
Fondatrice et Directrice du CreativeTourismNetwork®
Experte en tourisme créatif auprès de l’UNESCO, l’Organisation Mondiale du Tourisme, UNOSSC, la GIZ et des Ministères du Tourisme, de l’Artisanat et des Industries Créatives.
La mise en ingénierie de ce tourisme humaniste, s’inscrit dans la continuité de mes expériences personnelles et professionnelles antérieures, dans la coopération internationale en différents points du globe et notamment au Maroc, où j’ai vécu et qui continue de m’inspirer. Je mets désormais cette expérience au service de destinations de tous types, dans le monde, ainsi qu’à la conception de stratégie, en collaboration avec l’UNESCO, l’Organisation Mondiale du Tourisme, et de nombreux Ministères.
« ORGANISME QUI PROMEUT LE TOURISME DURABLE, VISANT À CONVERTIR LE PATRIMOINE IMMATÉRIEL
ET LES SAVOIR-FAIRE LOCAUX EN EXPÉRIENCES TOURISTICO-CRÉATIVES »
La fin de l’année 2022 a signé l’accélération et la reprise du tourisme mondial. Comment voyez-vous cette reprise ?
La reprise du tourisme mondial et son accélération ont effectivement démontré que voyager représente désormais un besoin pour les individus, supplantant même d’autres besoins tangibles. Les déplacements ont retrouvé sinon dépassé leurs niveaux pré-pandémie, et ce, malgré l’augmentation des prix et autres contraintes administratives encore d’actualité.
Cette forte demande est donc providentielle pour tenter de résorber les pertes de ces deux dernières années, et laisse également augurer de belles perspectives sur le moyen terme. Elle ne doit toutefois pas nous faire oublier les bonnes intentions formulées durant la pandémie, lorsque la solution s’avérait être.
2023 s’inscrit dans la durabilité. La prise de conscience est désormais faite. Comment voyez-vous le tourisme durable et responsable dans la stratégie touristique marocaine ?
La pandémie, et plus concrètement le fait de cultiver « l’esprit du voyage, de la découverte, de l’émerveillement » près de chez soi, ont permis d’étendre la conscience d’un modèle de tourisme durable, tant du côté des touristes, que des décideurs.
Les seconds, en partie, pour répondre à la demande inflexible des premiers !
Certes, l’ouverture des frontières n’a pas empêché la reproduction de modèles de tourisme de masse d’avant la pandémie, mais parallèlement, de nouvelles « niches » se sont consolidées et ont convaincu aussi bien l’offre que la demande.
« ÉTENDRE LA CONSCIENCE D’UN MODÈLE DE TOURISME DURABLE,
TANT DU CÔTÉ DES TOURISTES QUE DES DÉCIDEURS »
On pense par exemple aux « Women Travelers Communities », ou au « Staycation », qui répondent au besoin, pour les touristes, de réaliser des escapades tout au long de l’année, et bien sûr au « Special Interest Tourism », qui regroupe tous les touristes (créatifs), dont le but du voyage est moins la destination, que l’expérience qui leur est proposée, en termes d’ateliers d’artisanat, de stages de danse ou musique, de route photographique, de cours de cuisine, pour ne citer que quelques-uns. Et précisément le Maroc est la destination multiple qui peut satisfaire toutes ces demandes, tout en garantissant l’authenticité de l’offre. Chaque région, chaque localité a en effet préservé ses savoir-faire et ses spécificités locales et est à même d’offrir des expériences, alliant culture, créativité, et bien sûr, ingénierie touristique. Depuis le Creative Tourism Network®, nous travaillons déjà en ce sens avec Essaouira.
Le tourisme créatif peut également apporter une valeur ajoutée apportée à des secteurs consolidés comme le MICE ou le tourisme Premium. La ville de Cannes, qui fait partie du Creative Tourism Network® en est l’archétype.
Quel regard portez-vous sur l’INNOVATION et la CRÉATIVITÉ pour une meilleure compétitivité et un tourisme durable, ainsi que pour l’inspiration des acteurs du tourisme, par l’exemple et les bonnes pratiques ?
Pour de nombreuses destinations – et particulièrement de Méditerranée – la compétitivité s’est longtemps basée sur une concurrence des prix de l’hôtellerie, reléguant l’ensemble du secteur à son secteur hôtelier, qui est certes important, mais doit désormais cocréer avec d’autres acteurs, et pas nécessairement issus de l’industrie touristique. Je pense aux secteurs de l’artisanat, les industries créatives, etc.
De ce fait, la compétitivité ne doit plus reposer sur les prix ou sur les conjonctures, mais sur la façon dont les destinations font de leur créativité et de leur innovation un élément différentiel.
Sur ce principe, les destinations doivent même travailler en réseau afin de jouer un rôle réciproque de prescripteur, qui leur bénéficiera à toutes, une spirale ascendante, basée sur des principes vertueux, plutôt que descendantes, limitée aux politiques tarifaires.
Après la reprise, l’offre touristique mondiale est de plus en plus innovante et créative.
Que proposeriez-vous pour rendre l’offre marocaine, encore plus attrayante, innovante et compétitive ?
Le Maroc possède tous les atouts pour répondre aux nouvelles demandes touristiques : un riche patrimoine immatériel, des infrastructures développées, une offre hôtelière très diverses, un territoire à taille humaine, un climat agréable toute l’année, sans oublier, une population très accueillante !
« LA COMPÉTITIVITÉ NE DOIT PLUS REPOSER
SUR LES PRIX OU SUR LES CONJONCTURES,
MAIS SUR LA FAÇON DONT LES DESTINATIONS
FONT LEUR CRÉATIVITÉ ET LEUR INNOVATION »
Un moyen de valoriser encore plus ce potentiel serait peut-être de renforcer les maillages locaux, entre secteurs (artisanat, tourisme, industries créatives, société civile), ainsi qu’entre différents niveaux de standing : une même expérience créative peut et doit être déclinée afin de répondre à divers profils, du routard au touriste premium.
Et évidemment, cela permet de renforcer l’ADN de chaque territoire ou destination, afin de les rendre complémentaires au niveau du pays. Cette complémentarité permet de créer des synergies et de positionner globalement la destination comme une destination phare de ce nouveau tourisme.
Enfin, deux ou trois exemples de créativité et d’innovation dans le tourisme que vous avez appréciés le plus ou remarqués dernièrement, au niveau national ou international ?
La créativité est stimulée par les contraintes. La pandémie a donc été un laboratoire pour de nombreuses destinations devant faire face à des
situations sans précédents.
C’est ainsi que celles qui ont su compter sur la créativité humaine et le pragmatisme ont démontré leur capacité non seulement à surmonter les obstacles sur le court terme, mais également à se réinventer, en optant sur des modèles plus durables et vertueux, en impliquant notamment l’ensemble des populations, et en développant des offres hors saison.
Pendant les périodes de semi-confinement, afin de faire face aux limitations géographiques, de nombreuses destinations labellisées Creative Friendly, membres du Creative Tourism Network®, ont ainsi créé un catalogue d’expériences pouvant offrir un dépaysement à un public de proximité
(parfois même aux résidents), à vivre avec leur « bulle sociale ».
Conçues pour des groupes réduits – et donc rentables à petite échelle – ces offres ont eu un succès immédiat et se sont consolidées jusqu’à devenir à la fois, des expériences à offrir tout au long de l’année pour les locaux, et de nouveaux motifs de séjours, dès lors que les voyages internationaux ont repris.
Des exemples que l’on retrouve aussi bien au Chili, en Colombie, au Québec, ou encore en France, ou à Chypre, pour n’en citer que quelques-uns.
L’essor du réseau de destinations labellisées Creative Friendly nous offre une vision enthousiasmante de ces mutations au sein de la société et par conséquent, du tourisme !
« UNE MÊME EXPÉRIENCE CRÉATIVE
PEUT ET DOIT ÊTRE DÉCLINÉE AFIN
DE RÉPONDRE À DIVERS PROFILS, DU
ROUTARD AU TOURISTE PREMIUM »
