L’industrie du tourisme respire, et les parenthèses de la pandémie semblent avoir été complètement effacées des mémoires. Le saut a été si important que les chiffres enregistrés fin avril 2023 ont largement dépassé les chiffres pré-Covid, qui étaient en 2019.
Les arrivées en provenance des pays émetteurs ont ainsi augmenté de 20% par rapport à 2019, à 51 millions de touristes, depuis le début de l’année.
Le seul mois de mai a connu une performance sans précédent avec 1,1 million d’arrivées, soit une augmentation de 55 % par rapport au même mois en 2019. En conséquence, les recettes touristiques s’élevaient à environ 32 milliards de dirhams à fin avril 2023, soit une augmentation de 40 % par rapport au même mois en 2019. Mieux encore, les marchés sources traditionnels ont dépassé toutes les prévisions. Ainsi, par rapport à 2019, les marchés espagnol, britannique et italien ont respectivement progressé de +46%, +29% et +10%…
Satisfecit de la ministre
Ces chiffres, sont le résultat du plan d’urgence de 2 milliards de dirhams que le gouvernement a mis en place pour soutenir les professionnels en 2022, selon Madam la Ministre.
Mais, selon un groupe d’acteurs du secteur, cette réussite ne saurait s’expliquer par cet unique facteur. Ce bilan est, selon eux, et le fruit du travail de plusieurs acteurs de la chaîne touristique. La position plus mesurée de Adel Fakir, DG de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) « qui parle toujours d’intelligence collective ».
Ce que les chiffres ne disent pas
En premier lieu, la discordance énorme qui existe entre l’évolution des nuitées et celle des arrivées. On constate en effet une baisse significative des nuitées versus une hausse significative du nombre d’arrivées. Le diagnostic primaire de ce contraste serait de supputer que la durée moyenne de séjour est inférieure à celle constatée en 2019. C’est, selon les opérateurs touristiques, l’explication la plus simple à ce phénomène. A-t-on perdu notre attractivité ? Doit-on enrichir notre animation pour rallonger la durée moyenne de nos visiteurs en termes de loisirs ou business ?
Selon les professionnels, c’est que ce delta entre les arrivées et les nuitées profite à la sphère informelle
Deuxième analyse : peut-être assiste-t-on à l’explosion de l’activité des établissements non classés dont les statistiques ne ressortent pas dans les nuitées.
Aujourd’hui, ce que soupçonnent les professionnels, sans disposer de data, c’est que ce delta entre les arrivées et les nuitées profite à la sphère informelle, soit les meublés, les Airbnb et des entités équivalentes. C’est cela qui expliquerait que les rapatriements de devises (32 milliards à fin mai 2023) annoncés par l’Office des change connaissent, malgré l’effondrement des nuitées en établissements classés, une augmentation exponentielle. « Les recettes explosent et profitent à la balance des paiements, mais pas autant aux caisses de l’Etat, puisque les établissements classés, contribuables transparents, n’en profitent pas.
Taxer l’hébergeur
Conscient de cette problématique, le Ministère un texte de loi visant à rendre plus transparent l’hébergement informel est en cours de finalisation. Sa nouveauté résidera en la taxation des séjours chez l’habitant. Le Maroc ne sera pas le seul pays à imposer ce type de taxation.
En traçant ces activités souterraines, dans le cadre d’un nouveau règlement relatif aux établissements d’hébergement, le ministère de tutelle pourra dès lors à la fois disposer de données fiables concernant les nuitées, mais aussi faire bénéficier le Trésor public d’une nouvelle manne par la voie de prélèvements d’impôts auprès des hébergeurs à domicile.
Où sont les chiffes ?
Avec un Maroc qui prend toute sa place dans le tourisme mondial, manquer de statistiques est une tare rédhibitoire. Or, les professionnels s’impatientent, tant l’Observatoire tarde à structurer un appareil statistique digne du prestige de la destination Maroc. Selon certaines informations, des dizaines de fonds d’investissement font régulièrement l’impasse sur le Maroc par manque de lisibilité du marché national.
A côté de cela, le marché marocain demeure illiquide. Les fonds d’investissement, peuvent certes conserver leurs positions pendant de longues années dans un projet donné, mais doivent disposer de la possibilité de faire une sortie à n’importe quel instant, en dépit de taux de rentabilité parfois supérieurs à 15%. « Avec l’outil statistique, la liquidité de notre marché est un autre point à améliorer si l’ont veut passer d’une économie du tourisme en progrès à une économie du tourisme en vraie rupture », conclut un opérateur de référence.